Biographie
François Morellet (1926 – 2016), artiste autodidacte prolifique, a développé, avec ses peintures, sculptures et installations, une approche radicale de l’abstraction géométrique au cours d’une carrière qui s’étend sur plus de six décennies. Travaillant principalement avec des formes géométriques de base, Morellet s’est engagé dans une méthodologie d’objectivité rigoureuse et de détachement personnel en utilisant de multiples matériaux dans ses œuvres (acier, tubes néon, ruban adhésif, grillage, bois…). Il entend contrôler le processus de création et démystifier la mythologie romantique de l’art et de l’artiste inspiré, en justifiant chacun de ses choix par un principe établi au préalable, qui peut d’ailleurs aller jusqu’à faire intervenir le hasard dans certaines composantes de l’œuvre. L’espièglerie et l’humour de Morellet se révèlent également dans les titres de ses œuvres, qui contiennent souvent des jeux de mots, des parodies ou des mots-valises.
Né à Cholet, en France, où il a vécu et travaillé toute sa vie, Morellet a étudié le russe à l’école des langues orientales à Paris avant de retourner diriger l’usine de jouets familiale jusqu’en 1975. Cette activité lui a permis d’acquérir une indépendance financière tout en le familiarisant avec les outillages et les techniques de production qui ont influencé sa pratique.
Après une courte période figurative dans les années 40, Morellet se tourne vers l’abstraction après un voyage très influent au Brésil en 1950, où il a découvert l’art concret et l’œuvre de Max Bill. Outre Bill, Mondrian et Theo van Doesburg sont devenus des influences déterminantes pour l’artiste, de même que les motifs géométriques, l’esthétique anonyme et la précision de l’art décoratif islamique qu’il a rencontrés lors de sa visite de l’Alhambra, en Espagne, en 1952.
À la fin des années 1950, il découvre les « Duo-collages » de Jean Arp et Sophie Taeuber-Arp par l’intermédiaire de son ami Ellsworth Kelly, ce qui l’incite à introduire le hasard comme principe central, en créant des œuvres basées sur des nombres aléatoires trouvés dans son annuaire téléphonique local ou sur la suite infinie des décimales du nombre pi.
Jusqu’en 1960, Morellet établit les différents systèmes d’arrangement des formes qu’il emploie (superposition, fragmentation, juxtaposition, interférences) en créant notamment sa première « trame », un réseau de lignes parallèles noires superposées selon un ordre déterminé.
Morellet est l’un des membres fondateurs du Groupe de Recherche d’Art Visuel (GRAV) avec cinq autres artistes, Francisco Sobrino, Horacio Garcia Rossi, Julio Le Parc, Yvaral et Joël Stein, un collectif d’artistes expérimentaux qui a vu le jour en France au début des années 1960. Il participe également au mouvement international de la Nouvelle Tendance. Il cherche dans ce contexte à créer un art expérimental qui s’appuie sur les connaissances scientifiques de la perception visuelle et qui soit élaboré collectivement.
Après 1970, commence une période marquée par la création d’œuvres de plus en plus dépouillées qui jouent avec leur support et l’espace qui les environne. Il réalise également un grand nombre d’intégrations architecturales, depuis sa première intervention monumentale sur le plateau de la Reynie à Paris, en place de l’actuel Centre Pompidou, en 1971.
L’œuvre de Morellet a fait partie d’un certain nombre d’importantes expositions collectives internationales, notamment Documenta à Kassel, en Allemagne (1964 [avec le GRAV], 1968 et 1977) et la Biennale de Venise (1970 et 1990). En 1971, sa première exposition individuelle dans un musée a été organisée par le Stedelijk Van Abbemuseum à Eindhoven, aux Pays-Bas, et a ensuite voyagé dans toute l’Europe. D’autres grandes rétrospectives de l’œuvre de Morellet ont été organisées à la Nationalgalerie de Berlin (1977), au Centre Pompidou (1986 et 2011) et à la Galerie nationale du Jeu de Paume (2000) à Paris. Il a également fait l’objet d’une rétrospective nord-américaine en 1984-85, qui a voyagé à la Albright-Knox Art Gallery de Buffalo, au Musée d’art contemporain de Montréal, au Brooklyn Museum et au Center for the Fine Arts de Miami. En 2010, Morellet a été le deuxième artiste à avoir une oeuvre de son vivant au musée du Louvre avec l’inauguration d’une installation permanente in situ intitulée L’esprit d’escalier.
Son œuvre est représentée dans de grandes collections publiques, notamment au Centre Pompidou, à la Dia Art Foundation (New York), au Los Angeles County Museum of Art, au Museum of Modern Art de New York, au Seoul Museum of Art, à la Tate Britain, au Tel Aviv Museum, au Kunsthaus de Zurich et à la Nationalgalerie de Berlin.