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Réponse à un mathématicien allemand (1991)

Oui, les titres ont eu une certaine importance pour moi. Ils l’ont eu de manières assez différentes.

En gros, pendant les années cinquante – soixante – soixante-dix, les titres étaient là pour donner le principe, la règle du jeu de l’œuvre. Ils devaient, dans l’id al, permettre au lecteur de refaire l’œuvre s’il le désirait. Ils recelaient donc les principales décisions subjectives que j’avais prises (qui étaient complétées par la mention des dimensions et de la technique). Ils ne faisaient pas appel à des notions bien évoluées de mathématiques. Par exemple, Superposition d’une trame 0° et d’une trame 20°. Bon, dans mon langage, trame signifiait un réseau de lignes parallèles et 0° ou 20° était la mesure de l’inclinaison de ces lignes par rapport   l’horizontale.

Depuis une dizaine d’années, mes titres, s’ils sont encore descriptifs, cherchent plutôt à être dérisoires et humoristiques. Par exemple, Géométree signifie le mariage d’un système géométrique avec les lignes d’une branche d’arbre.

Je pense que, pour éviter tout malentendu, je dois préciser d’une façon plus générale ma position vis-à-vis des mathématiques et de l’emploi des systèmes aléatoires.

Ma position, depuis quarante ans, a été de m’opposer à la démarche habituelle des peintres et sculpteurs dont chaque œuvre est compos e de milliers de décisions subjectives et d’imprécisions manuelles.

J’ai donc voulu que mes œuvres soient conçues précisément et réalisées d’une manière neutre (cette attitude avait déjà été énoncée par Van Doesburg bien avant-guerre). Tout cela pour

Réduire en fait mes décisions subjectives.

Si j’ai préféré pendant longtemps le carré au rectangle, c’est parce qu’il n’a besoin que d’une décision subjective pour être défini. C’est pour la même raison que j’ai préféré la droite à la ligne brisée, etc.

Dans les années soixante, j’ai été fatigué d’un certain constructivisme classique et équilibré. J’ai donc cherché un système dont les résultats (imprévisibles) pourraient être chaotiques ou tout au moins près d’un baroque minimaliste qui me tentait. J’ai donc imaginé de faire prendre des décisions subjectives que je ne pouvais prévoir par une règle du jeu (simple qui utiliserait une suite existante de chiffres quelconque : (numéros de l’annuaire du téléphone ou chiffre π, par exemple).

Les œuvres ainsi obtenues étaient en fait des parodies de peintures baroques ou expressionnistes. Chaque résultat était bien moins important, comme toujours, que le système lui-même. Et le système, là, était encore magnifié puisqu’il prenait ironiquement la place du génie empirique et instinctif du peintre abstrait traditionnel.

Voilà quelques précisions qui vous décevront peut- être, mais je ne suis en fait qu’un amateur de mathématiques frivoles et dé logique absurde.

Publié dans Zufall als Prinzip (cat. d’exp.), Ludwigshafen, Wilhelm-Hack-Museum, 18 janvier-15 mars 1992, p. 278.