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Questions de Hans Ulricht Obrist à François Morellet (2015)

HUO : Vous avez suivi des cours de peinture chez Jean-Denis Maillart, pourtant vous êtes un autodidacte ? Comment êtes-vous venu à l’art ?

FM : J’ai été influencé par mon père qui aimait les artistes (peut-être plus que l’art même car sa collection n’était pas excellente) et j’ai pris quelques cours de peinture dans l’atelier de Jean-Denis Maillart, ami de mon père, peintre à la mode à Paris, dans l’année 1941, j’avais 15 ans.

HUO : Quelle est le premier numéro dans votre catalogue raisonné ?

FM : Je n’ai pas de catalogue raisonné, mais la première œuvre enregistrée dans mes archives porte le n°41001 et je n’ai peint que 7 tableaux dans cette année 1941.

HUO : Qui étaient vos professeurs ?

FM : Je n’ai pas eu de professeurs, je n’ai jamais été dans une école d’art. J’ai seulement pris quelques cours de gravure dans l’atelier de Stanley-William Hayter vers 1944.

HUO : Qui était vos héros ?

FM : Je crois n’avoir jamais eu de « héros », j’ai toujours été allergique à l’idée de « génie ».

HUO : Vous avez été un membre du « Groupe de l’Échelle », pouvez-vous parler de ce groupe et le style de leur peinture ?

FM : Je n’ai jamais été membre de ce groupe. J’ai connu les membres du groupe par l’intermédiaire de Philippe Condroyer (futur cinéaste) et de son copain Dany (artiste et fils de Jacques-Henri Lartigue) à St Tropez. C’était des relations amicales mais un peu superficielles.

HUO : Comment en êtes-vous venu à l’abstraction dans votre peinture ?

FM : Mes premiers dessins abstraits libres sont de 1948. En 1949, sous l’influence des Arts Premiers que j’ai découverts au Musée de l’Homme, j’ai fait des peintures se rapprochant de l’abstraction mais ce n’est seulement qu’en 1950 que mes tableaux sont devenus abstraits géométriques.

HUO : Vous étiez amis avec les peintres Pierre Dmitrienko et Serge Charchoune, comment les avez-vous rencontrés ?

FM : Par Dany, j’ai fait la connaissance de Pierre Dmitrienko, très intéressant et connu et ensuite de François Arnal, les deux travaillaient dans l’atelier de Dany. Nous nous sommes rencontrés souvent bien que je vivais et travaillais dans l’usine familiale à Cholet à 350 km de Paris.

J’ai rencontré Serge Charchoune à la galerie Raymond Creuze où j’ai exposé en 1950 mais ce n’était pas un ami, il était plus âgé. J’étais très sensible à son travail, très subtil avec ses couleurs claires et je reste toujours admiratif de son œuvre qui devrait être beaucoup plus célèbre qu’elle ne l’est encore.

HUO : Quelle influence ont-ils eue ?

FM : Dmitri m’avait conseillé dans mes premières œuvres abstraites de 1950 de faire « plus large » et l’influence de Charchoune de réaliser des œuvres claires.

HUO : En 1948/49 vous avez lu Psychologie de l’art de André Malraux ? Comment cela vous a-t-il influencé ?

FM : Une influence très forte qui m’avait poussé à admirer particulièrement les tapas d’Océanie abstraits géométriques, répétitifs, réalisés par les femmes, sans prétention. Le contraire des œuvres d’art magique d’Afrique qui ont influencé Picasso, Braque, etc… et j’ai eu, plus tard, le plaisir en regardant une vieille photo de l’atelier de Matisse, d’y voir plusieurs tapas sur ses murs.

HUO : Avez-vous été influencé par des films ?

FM : Non.

HUO : Avez-vous été influencé par la littérature ?

FM : A l’âge de 17 ans, j’avais lu entièrement A la recherche du temps perdu de Marcel Proust et en 1948 Les chemins de la liberté de Jean-Paul Sartre. Puis après, en gros, James Joyce, Samuel Beckett, Ionesco, Cioran. Mais cela m’est difficile de dire si les livres que j’ai lus ont eu une influence sur mon travail d’artiste peintre.

HUO : L’influence et l’amitié de Max Bill ont été importantes pour vous. Comment cela est arrivé ?

FM : J’ai découvert l’œuvre de Max Bill par l’intermédiaire d’artistes brésiliens, particulièrement Almir Mavignier, à Rio de Janeiro fin 1950, lorsque je projetais avec ma femme de nous y installer. Ceux-ci enthousiasmés m’ont montré des reproductions de ses œuvres dans un journal de São Paulo où il avait eu une rétrospective au Musée des Beaux-Arts quelques semaines avant. Lorsqu’Almir Mavignier est venu en Europe fin 1951, avec son copain Geraldo de Barros, l’artiste photographe de São Paulo, à Paris d’abord, puis à Ulm en Allemagne en 1953 où il était étudiant à la Hoschule für Gestalltung dirigée par Max Bill, j’ai eu la chance, par son intermédiaire, de le rencontrer et de sympathiser aussitôt.

HUO : Quelle influence a-t-il eu sur vous et pourquoi ? Et Piet Mondrian ?

FM : Avec son œuvre, j’ai connu les règles de l’Art Concret décrétées dans le manifeste de 1932 par Van Doesburg, qui m’ont convaincu.

Concernant Mondrian, j’avais feuilleté l’ouvrage de Maurice Raynal Peintures du XXème siècle (chez Skira en 1947) et j’étais tombé sur une reproduction d’un tableau de Mondrian de 1921  appartenant au Musée de Bâle, ça m’avait énervé, choqué mais intrigué au point de le regarder plusieurs fois, sur plusieurs jours avant d’être convaincu, conquis, ravi par la simplicité de ses lignes verticales-horizontales, noires, le blanc et les couleurs dites « primaires », bleu, jaune, rouge.

HUO : En 1952 il y a eu l’exposition Abstractions avec les artistes Almir Mavignier, Jack Youngerman, Alain Naudé à Galerie Bourlaouen à Nantes. Pouvez-vous parler de cette exposition ? Quel souvenir en gardez-vous ?

FM : Toujours à Paris en 1952, grâce à Almir Mavignier, j’ai eu la chance de rencontrer Jack Youngerman, Alain Naudé (l’ami d’Ellsworth Kelly) avec lesquels j’ai sympathisé aussitôt. Almir était le commissaire de cette étonnante exposition Abstractions à la galerie Bourlaouen à Nantes, tenue par une charmante femme non conventionnelle, très excitée par ces jeunes et nouveaux artistes internationaux. C’est Almir qui a réuni les œuvres des 9 artistes : Arnal, de Barros, Condroyer, Dmitrienko, Kelly, Mavignier, Morellet, Richetin, Youngerman.

HUO : Quel fut votre rapport avec Ellsworth Kelly ?

FM : J’ai rencontré Ellsworth Kelly dans son atelier en novembre 1953 grâce à Jack Youngerman et Almir Mavignier, ses œuvres étaient déjà reconnues et avaient du succès. L’exigence de nos œuvres était proche bien que leur point de départ était différent. 

HUO : Avez-vous vu l’exposition Le Mouvement en 1955 ?

FM : En fait, je ne le crois pas, malheureusement !

HUO : Quel rôle a joué l’art cinétique sur vous ?

FM : Ce fut comme un joyeux « Lunapark » qui a permis d’attirer le public dans les musées et d’attirer les regards sur mes œuvres.

HUO : Quel rôle a joué Victor Vasarely alors ?

FM : Grâce aux Molnar, j’ai rencontré Vasarely et Claire, sa femme. J’admirais son œuvre, son humour, son intelligence et nous étions amis mais je n’ai pas été influencé par son œuvre. Sa gentillesse et son intérêt pour mon travail m’ont bien aidé à cette époque.

HUO : J’ai lu cette phrase sur le changement d’attitude de l’artiste « de l’artiste créateur de sens à l’artiste témoin de phénomènes. » Comment vous êtes-vous intéressé à l’esthétique mathématique ou systématique ?

Pourquoi avez-vous dû faire des systèmes pour faire de l’art ?

FM : Il n’y a rien d’esthétique dans mon intérêt pour les systèmes et les mathématiques. L’utilisation de systèmes me permet de développer des séries d’œuvres dont les compositions sont dictées par une « règle du jeu » indépendamment de mes goûts et sans choix final de ma part.

Mes systèmes fixent la règle du jeu et les mathématiques exécutent la composition et la forme visuelle finale. 

En fait, j’ai toujours cherché à en faire le moins possible.

HUO : Pouvez-vous parler de l’histoire de la fondation du G.R.A.V. ?

FM : Les 3 artistes venant d’Argentine, Horacio Garcia Rossi, Julio le Parc et Francisco Sobrino, ont visité d’abord Vasarely, qui leur a indiqué les adresses de François et Véra Molnar, ainsi que la mienne et celle de son fils Yvaral. J’ai averti Joël Stein, un vieux copain et complice depuis 1949, qu’il pourrait être intéressé par ce projet de créer un groupe.

HUO : Quelles motivations avez-vous eues ?

FM : Mon activité d’industriel m’obligeait à vivre loin de Paris et du monde de l’art. Le G.R.A.V. était une opportunité :

– Pour échanger et développer nos idées sur la remise en question du statut de l’artiste et du rôle du spectateur.

– D’avoir en permanence un public pour mon travail. 

– Pour « épater » les copains en cherchant à aller toujours plus loin donc stimuler la création.

– Pour être plus souvent invité à exposer au sein d’un collectif plutôt qu’en restant solitaire.

HUO : Quelle était la réputation de l’institution à ce moment-là ?

FM : Débutante.

HUO : Connaissiez-vous les autres groupes européens comme ZERO, par exemple ?

FM : Bien sûr, nous avons connu les artistes du groupe ZERO, du groupe N et du groupe T. J’ai été personnellement invité à participer à exposer en Allemagne avec le groupe ZERO. Tous ces groupes ont joué un rôle important lors des grandes réunions du mouvement Nouvelle Tendance à Zagreb en Yougoslavie, puis en Hollande, Italie, France, Allemagne.

HUO : Dans la 3ème Biennale de Paris le G.R.A.V. a installé un labyrinthe. Pouvez-vous me parler de vos œuvres dans le labyrinthe ? Il y avait une installation Sphère-trames et un mural ?

FM : Dans le labyrinthe, la première salle était entièrement recouverte d’un papier peint de la reproduction de mon œuvre de 1960, Répartition aléatoire de 40.000 carrés suivant les chiffres pairs et impairs d’un annuaire de téléphone, 50 % rouge, 50% bleu. Dans la salle 3, il y avait une œuvre mesurant 100 x 100 cm et composée de 64 ampoules blanches avec 4 rythmes d’allumage. Dans la dernière salle, était présentée ma première œuvre réalisée en néon, Néon 0°-45°-90°-135°avec 4 rythmes interférents qui est composée de 4 panneaux 80 x 80 cm avec des néons blancs, placés les uns en face des autres sur les 4 murs de la pièce et dont les éclairages déphasés étaient très forts, assez insupportables pour les visiteurs.

Enfin, à l’extérieur du labyrinthe était présentée une grande sphère de 240 cm de diamètre, dans le grand escalier du Musée de la Ville de Paris où était cette biennale. Et il y avait des œuvres murales de Le Parc et Yvaral.

HUO : Pouvez-vous me parler de la transition de la composition à la structure/cadre ?

Quelle est la signification de ces œuvres continuables potentiellement ?

FM : En 1952, j’ai découvert l’art linéaire musulman avec ses ingénieux entrelacs gravés en « all over » sur les murs de l’Alhambra à Grenade. Ce fut pour moi un choc immense qui bouleversa ma réflexion sur l’art et influencera jusqu’à aujourd’hui mon travail sur la ligne et mon goût pour le « all-over ». A partir de 1953, les motifs répétitifs ou les réseaux de trames superposées de mes œuvres incitent l’œil à imaginer la prolongation des lignes et des formes au-delà des bords du tableau et j’ai supprimé tous  cadres de mes peintures, dès 1952.

HUO : Vous avez créé votre première œuvre avec néon en 1963 (4 panneaux avec 4 rythmes d’éclairage interférents). Pourquoi avez-vous utilisé des néons ? Comment cela s’est-il développé ?

FM : Avec mes amis du G.R.A.V., nous voulions en finir avec la pratique artistique conventionnelle et ses toiles, châssis, pinceaux, chevalets.

Dans ma recherche de nouveaux matériaux non artistiques, le néon présentait toutes les qualités que j’aimais :

– Il est parfaitement linéaire.

– Il a un allumage instantané permettant des rythmes de clignotements brutaux.

– Il est d’origine industrielle.

– Son usage pour les enseignes publicitaires était tout à fait vulgaire à l’époque, ce qui me plaisait.

– Il y avait un artisan néoniste à Cholet, très efficace et enthousiaste.

HUO : Connaissiez-vous Dan Flavin à ce moment-là ?

FM : Non, nous avons rencontré Dan Flavin à l’inauguration de l’exposition Kunst Licht Kunst, le 25 septembre 1966, au Stedelijk van Abbemuseum d’Eindhoven en Hollande. Sa longue œuvre en tubes fluorescents verts était fabuleuse.

HUO : Après en 1967 il y a Néons avec programmation aléatoire poétique-géométrique et en particulier les mots sont NON, NUL, CON, CUL. Pourquoi avez-vous utilisé des mots ?

FM : Cette œuvre est composée de 3 carrés barrés de diagonales. Chaque carré comporte 4 tubes néon pour les 4 côtés, plus 2 tubes pour les diagonales. Tous ces tubes sont réunis en plusieurs groupes dont les rythmes d’allumage/extinction sont décalés. Parmi la grande variété de formes géométriques possibles, certaines peuvent former les lettres CLNOUXZ. Comme j’aime les « gros mots » et la provocation, c’était une occasion de pouvoir associer ma poésie grossière à ma géométrie rigoureuse pour la faire sourire.

HUO : Pouvez-vous parler de vos systèmes : Juxtaposition, Superposition, Hasard, Interférence et Fragmentation ?

Quelle est la signification de ces systèmes ?

FM : Mon goût pour démystifier le travail des artistes et rationnaliser mon propre travail m’a amené à publier en 1974, cette classification basée sur mes processus de conception pour banaliser mes œuvres. C’était un exercice compliqué qui, si je l’avais poursuivi, aurait vite ressemblé à la classification des animaux de J.L. Borges !

HUO : Pourquoi utilisez-vous des systèmes dans votre travail ?

FM : Parce que j’ai toujours voulu me distancer de mon travail. Depuis les années 1950, j’ai toujours cherché à éliminer toute trace de sensibilité dans l’exécution et réduire au maximum le nombre de décisions subjectives dans la conception de mes œuvres. Mes systèmes associés au hasard élaborent mes œuvres et si on les trouve géniales ou nulles, ce n’est pas moi le responsable.

HUO : Quel est le rôle du hasard ?

FM : Le système donne les règles du jeu, ensuite le hasard intervient grâce à des séries de chiffres ou de lettres pour décider à ma place les différents résultats.

On peut comparer mes systèmes à la règle du jeu de la « bataille navale » où des tirages de chiffres ou de lettres déterminent ensuite les positions des bateaux sur une grille.

HUO : Il y a des œuvres dont le paramètre conceptuel fut déterminé par des numéros de téléphone. Pourquoi avez-vous utilisé un annuaire ?

FM : En 1958, j’ai réalisé plusieurs œuvres dont les compositions étaient entièrement déterminées par des séries de chiffres pairs et impairs au hasard. Cinq de ces œuvres de 1 958 avaient besoin de peu de chiffres pour être composées et en guise de hasard, j’ai pris les décimales de π. Mais lorsque l’œuvre composée avec le hasard avait besoin de plusieurs centaines de chiffres pairs et impairs, ma documentation sur le nombre π ne pouvait pas me les fournir à cette époque. C’est la raison pour laquelle j’avais choisi mon annuaire de téléphone local qui pouvait offrir une beaucoup plus grande série de chiffres. La raison de mon choix d’un annuaire téléphonique comme source de chiffres est simple. Je ne voulais pas être accusé de tricher avec le hasard et j’ai souvent fourni les copies des pages d’annuaire avec l’œuvre pour prouver ma bonne foi, ce qui n’aurait pas été possible si j’avais lancé des dés.

HUO : Pouvez-vous me parler du comique et de l’ironie dans votre œuvre, et, en particulier, considérés dans le contexte du hasard ?

FM : Sans humour, tout peut devenir indigeste, que ce soit dans mon travail ou dans la vie en général. Si je devais parler sérieusement de l’humour, cela pourrait nuire à ma propre santé.

HUO : Vous avez écrit dans l’essai Du spectateur au spectateur ou l’art de déballer son pique-nique « Les arts plastiques doivent permettre au spectateur de trouver ce qu’il veut, c’est-à-dire ce qu’il amène lui-même. Les œuvres d’art sont des coins à pique-nique. » C’est similaire à Marcel Duchamp qui a dit : « c’est le regardeur qui fait l’œuvre. »

FM : Oui, j’ai publié ce texte en 1971 et plusieurs années après quelqu’un m’a informé que Duchamp avait fait cette déclaration lors d’une interview radiophonique, bien avant mon texte. Sur le moment j’ai été à la fois déçu de ne pas être le premier à avoir formulé une idée si fondamentale, mais aussi très flatté d’avoir cette vision en commun avec Duchamp qui est l’artiste dont je me sens le plus proche par l’esprit.

HUO : Votre œuvre existe depuis 70 ans, les néons depuis 1963. Qu’est-ce que les néons représentaient à ce moment-là et que représentent-ils aujourd’hui ?

FM : En 1963, mes néons étaient provocants, vulgaires et invendables (j’ai dû attendre 20 ans avant de vendre le premier !). Aujourd’hui ils sont chics, chers et très demandés.

HUO : Dan Graham dit « pour comprendre un artiste, il faut savoir quelle musique il/elle écoute. »

FM : J’ai eu une passion pour le jazz (noir américain) dès les années 1940, jusqu’au mouvement free-jazz inclus. J’ai été enthousiasmé par la musique répétitive de Steve Reich et Phil Glass dans les années 1970. Et j’ai toujours aimé Bach, Vivaldi, Mozart, Beethoven (derniers quatuors), Ravel, Stravinsky.

HUO : Quelle musique écoutez-vous ?

FM : Celle des radios, France Musique, Radio classique et Jazz radio.

HUO : Pouvez-vous me parler de vos projets non-réalisés ? Ou de vos projets trop grands pour être réalisés ? Ou de vos projets trop utopiques pour être réalisés ?

FM : Mon travail est basé sur un jeu avec des contraintes, c’est pour cela que j’aime tant les installations éphémères « site-specific » et les commandes publiques et privées concernant l’architecture. Lorsqu’il n’y a pas de contraintes, je les invente avec mes systèmes et le hasard. La nécessité d’être réalisable fait partie de mes contraintes de base avant d’imaginer un projet. Par ailleurs, je n’ai jamais été épaté par les grandes choses. Déjà enfant, mes parents s’étaient agacés de mon intérêt pour les graviers au pied de la Tour Eiffel plutôt que par la tour.

HUO : Y-a-t-il des projets de commande publique, réalisés ou non réalisés ?

FM : Depuis 1971, environ 140 projets monumentaux ont été intégrés dans l’architecture (depuis la parution en 2012 du catalogue raisonné de mes 133 intégrations, j’en ai réalisé 6 supplémentaires et 3 autres sont en cours pour l’année 2016). Mais je n’ai pas fait le calcul du nombre de projets non réalisés, ni des nombreux travaux disparus car je n’y attache pas d’importance. Et je préfère leur disparition à leur décrépitude.

Publié dans François Morellet. Les Règles du Jeu (cat. d’exp.), Londres, The Mayor Gallery, 6 avril – 27 mai 2016 et São Paulo, Dan Galeria, 23 avril – 31 mai 2016, pp. 30-33